Rencontre avec Anne-Lise / Rose de Biboun

Quelles sont tes sources d'inspiration et comment maintiens-tu ta créativité au fil du temps ?

L'inspiration me vient du quotidien et surtout de la Nature, des saisons. Je crée tout d'abord parce que j'ai une idée et que j'ai envie de la réaliser.

Ensuite une grande part de cette inspiration provient de mes clientes et de leurs demandes, leurs impératifs. Pour entretenir cette créativité, je dois faire des pauses (ce que j'oublie souvent) qui me permettent de me ressourcer et de faire totalement autre chose que graver des tampons, écrire sur mon blog et être totalement "focus" sur mon activité. En prenant un temps "à côté" pour faire du crochet, jardiner, lire, me promener, expérimenter d'autres techniques, je ressource ma créativité.

As-tu un processus de création, de l'idée initiale à la réalisation finale ? Quelle est la chose la plus inattendue ou surprenante qui t'ait inspirée dans ton processus créatif ?

J'ai pour habitude de dire que je crée sur trois chemins : le premier est celui du sur-mesure, je ne suis alors pas vraiment libre de faire ce que je veux puisque je grave précisément ce qui m'a été demandé.

Le second est le plus créatif puisque je grave et présente mes idées pures, celles qui se sont parfois nourries d'une demande sur-mesure (un tampon très art déco me donnera envie par exemple de créer une collection dans cet esprit, une demande de couturière peut m'inspirer des tampons "utiles", etc.) mais très souvent issues de mon esprit, d'une lecture, d'une fleur vue dans mon jardin, etc.

Et la troisième voie concerne la formation à la gravure que je propose, pour elle je m'inspire des deux premiers chemins.

Le processus créatif concernera essentiellement les "collections" que je peux créer pour les mettre sur ma boutique : l'idée peut mûrir très longtemps, il faut que je dessine (et pour ça je dois trouver le temps), parfois je feuillette des revues, lit d'autres blogs (j'essaie de ne le faire que dans des domaines qui ne sont pas le mien pour ne pas m'inspirer de quelque chose qui existe déjà et que mon esprit serait tenté de reproduire), j'en discute avec ma famille. Et une fois que les dessins sont réalisés, je les grave pour tester leur faisabilité, le temps que ça prend et leur rendu. Cela me permet de fixer un tarif ou parfois d'abandonner l'idée parce que le tampon est trop complexe.

Quelle création, parmi toutes celles que tu as réalisées, est la plus significative pour toi, et quelle histoire personnelle se cache derrière elle ?

Je n'ai pas de création vraiment significative si ce n'est la toute première. Mon premier tampon gravé à la main est né d'un challenge sur un blog que j'ai voulu suivre : graver un souvenir d'enfance. Je me suis donc lancée dans la gravure de Jean de la Lune, personnage éponyme du livre de Tomi Ungerer que j'adorais enfant.

J'ai toujours ce tampon, gravé au cutter dans une gomme en forme de billet de banque ! Pas le plus beau mais le plus significatif. Il a marqué le tournant de mon activité !

Si tu pouvais collaborer avec n'importe quel artiste, vivant ou mort, qui choisirais-tu et pour quel type de projet ?

Le premier nom qui me vient c'est Michel Gay, l'illustrateur et auteur de Biboundé notamment (un bébé pingouin, lecture d'enfance aussi, qui a inspiré mon nom de créatrice), j'adorerais lui créer un tampon dédicace en gravant son personnage de petit pingouin. 

J'aurais bien aimé également graver les œuvres de Klimt comme "Le baiser", en plus couleurs et avec du doré, sacré challenge !

Et sinon un projet qui me tenterait énormément serait de réaliser les illustrations d'un album jeunesse (de l'auteur qui voudra de moi ah ah ah ).

Comment imagines-tu que tes créations évolueront dans les dix prochaines années, et quels nouveaux domaines ou médias aimerais-tu explorer ?

10 ans c'est vaste ! Mon entreprise en a 9 et j'ai déjà imaginé énormément de tampons, de collections et mis en œuvre beaucoup d'idées.
J'adore toujours autant graver des logos et des tampons sur-mesure mais j'ai très envie d'explorer la partie "gravure grands formats" en plusieurs couleurs (donc plusieurs plaques ou à plaque perdue) et notamment des paysages de ma région et des monuments de ma ville pour commencer !

Si tes créations pouvaient parler, que diraient-elles de toi après une longue journée de travail ?

Alors il y aurait les tampons que j'ai gravés minutieusement au son d'un podcast ou d'une série qui me diraient "tu as été ultra perfectionniste, ne me touche plus !" et il y a tous les tampons qui attendent d'être pris en photo, mis en ligne, annoncés sur les réseaux qui me crient "et moi et moi et moi" ! et d'une manière générale tous me disent d'enfin investir dans une lampe-loupe beaucoup plus grande que ce que j'ai actuellement, ah ah ah  !

Peux-tu décrire un projet ou une création particulière qui a représenté un tournant dans ta carrière et pourquoi ?

Il y a d'abord eu le tampon de Jean de la Lune qui a marqué le tournant principal, me faisant passer de la création de cartes et de faire-part à la réalisation de tampons.

Il y a eu aussi le coffret "Stamp & Sew", créé pour les couturières, comprenant des tampons imaginés par mes soins, encreur, carnet fait-main. J'ai énormément réalisé ce coffret (et son petit frère ensuite) et ça a lancé toutes mes gammes de coffrets sur-mesure (je réalise à la fois les tampons mais aussi les boîtes de rangement). J'en fais moins à présent parce que ça demande énormément de temps, de manutention, de calculs, etc.

Autre création qui "s'essouffle" un peu mais qui a eu des débuts fulgurants et qui reste probablement une de mes principales ventes : les kits de l'instit. J'ai commencé avec un coffret de tampons "crayons", je passais les 5-6 semaines avant la fin de l'année scolaire à graver jusqu'à 15-20 tampons par jour, tous les jours (même le week-end!) tellement j'avais de commandes ! Et désormais ce kit se décline en plusieurs modèles.

Enfin, autre tournant : la création de mon Coffret d'initiation à la gravure sur gomme avec la formation en ligne, qui marque le début d'une autre aventure, celle dans laquelle je ne fais plus que graver pour les autres mais j'apprends aussi à celles qui le veulent à faire de même !

Quels sont les principaux défis auxquels tu as été confrontée dans ta carrière, et comment les as-tu surmontés ?

Le premier défi a été celui de valider la création de mon entreprise auprès de ma CMA (qui a mis 1 an à le faire) et ça a été très compliqué à vivre. Mais au-delà, j'ai envie de ne voir que les choses positives. Le défi principal est de savoir se renouveler, de rebondir quand on a un gros creux d'activité et de savoir s'organiser quand on a, au contraire, un pic (ce qui a été mon cas l'année du Covid notamment). 

Autre défi : se lancer dans des domaines qu'on ne maîtrise pas (gérer un site internet, surmonter un piratage, se former au SEO, rédiger des newsletters, etc.).

Et enfin, un défi d'importance est de savoir s'entourer des bonnes personnes et de savoir déléguer quand il est temps (mais aussi, il faut pouvoir le faire financièrement, donc il faut faire des choix).

Quels conseils donnerais-tu à ceux et celles qui aspirent à se lancer dans une carrière créative comme la tienne ?

Ma situation est peut-être particulière parce que je n'aspirais pas, au départ, à "vivre de ma créativité". Je souhaitais avoir mon entreprise, en retirer divers bénéfices (et pas seulement financiers, ce n'était d'ailleurs pas le but principal !) et tout faire pour que ça fonctionne.

Aussi, se lancer pour en faire son job à plein temps en escomptant en vivre financièrement, aujourd'hui, ça me paraît plus compliqué que le processus que j'ai suivi.

Je pense qu'il faut d'abord se poser les bonnes questions : pourquoi faire une carrière créative ? Est-ce que je veux que ça me rapporte l'équivalent d'un bon salaire ou est-ce que c'est une question d'équilibre de vie ? Et avant tout, faire des recherches sur l'existant, sur comment se lancer, etc.

Et s'il y a un conseil que j'aurais aimé suivre au tout début c'est : savoir s'arrêter, prendre des vacances, pour mieux revenir ! Parce que la créativité se nourrit de ces temps dans lesquels on fait autre chose. Sinon on s'épuise énormément !


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