Il y a des rencontres qui marquent par leur force et leur délicatesse. Celle de Chloé, créatrice de l’association Duboutdudoigt, en fait partie.
Devenue malvoyante en 2017, Chloé découvre le braille en l’apprenant seule. Plus qu’un système d’écriture, elle y perçoit une forme de beauté : des points qui deviennent une poésie à lire du bout des doigts. Très vite, elle commence à tracer des petites phrases en pointillés, entre humour et émotion, qu’elle associe à des mots à l’encre noire.
Peux-tu nous raconter ton parcours ? Comment la découverte du braille est-elle devenue une révélation, qu’est-ce qui t’a donné envie de transformer cette écriture en un véritable chemin créatif ?
J’ai appris le braille un peu par curiosité, car je n'en ai pas encore besoin au quotidien. C’est vraiment en utilisant une tablette et un poinçon pour écrire en braille, que j’ai trouvé cette écriture très poétique et délicate. J’ai aimé que les pointillés soient au centre du papier visible par les yeux comme par les doigts. Un mélange entre deux mondes, où je me sens en ce moment.
J’ai trouvé ça tellement incroyable que j’ai voulu le partager sur les réseaux sociaux et de suite, il y a eu énormément d’engouement, ce qui m’a amené à créer une association et à les vendre. Ça me permet de parler de mon handicap, d’en donner une belle image, et de me sentir utile. J’ai eu la sensation de reprendre le contrôle sur ce qu’il m’était arrivé. Et ça fait partie de mon histoire.
Parmi toutes les phrases que tu as écrites point par point, lesquelles résonnent le plus pour toi ?
J’aime beaucoup "toucher ses rêves", c’est important d’avoir un objectif. Et c’est aussi cette carte qui m’a aidé à trouver le nom de mon association.
Allez, j’aime aussi beaucoup ma carte "effleurer". Le e et le f sont en braille, "fleur" est en tamponné à l’encre noire, et le e et le r sont en braille. Ça donne un doux mélange, en utilisant les pointillés comme message secret.
C’est à la fois simple mais très construit.


Si tu pouvais imaginer une création à quatre mains avec un autre artiste, qui choisirais-tu (passé ou présent) et quel serait ce projet idéal mêlant ton univers et le sien ?
J’ai adoré ma dernière collaboration avec les Ptits bonheurs de Mani qui crée des mots filaires. Lors d’une rencontre sur un Sunday Market, on s’est dit que nos univers étaient très complémentaires.
J’ai cherché dans mes phrases celles qui comportent des mots souvent utilisés par Manila, par exemple, mon petit doigt m’a dit que le bonheur est ici, j’écris en braille et en tampon tous les mots sauf bonheur, et je laisse un espace pour que Manila puisse l’insérer en fil doré sur le papier.
Ça apporte une dynamique, encore un peu plus de relief, et ça nous ressemble tellement à toutes les deux.
Souhaiterais-tu explorer de nouveaux supports, d’autres formes d’expression autour du toucher ?
J’ai plein d’idées, mais je suis aussi limitée dans mes capacités de production. Et je suis restée perfectionniste malgré mon handicap, ce qui n’est pas toujours simple à gérer.
J’ai récemment essayé le métal à repousser que j’aime beaucoup, à voir si j’arrive à l’insérer dans quelques créations. J’aimerais beaucoup aussi utiliser plus de gaufrage et d’embossage.
Affaire à suivre, et surtout à voir ce que j’arrive à faire seule.
Si tes cartes pouvaient parler après une longue journée d’atelier, que diraient-elles ?
C’est très rare que j’arrive à enchaîner une journée entière, je fais plutôt une petite heure par-ci par-là, car cela me fatigue trop. C’est d’ailleurs pour ça que je n’ai jamais beaucoup de stock. Elles pourraient peut être me dire d’arrêter de vouloir les rendre parfaites. Car l’imperfection fait le charme de l’artisanat.
Y a-t-il une création, une rencontre ou un événement qui a marqué un véritable tournant dans ton parcours depuis la naissance de Duboutdudoigt ?
J’étais très touchée de participer à mon premier Sunday Market en tant qu’exposante. Je n’aurais jamais pensé être créatrice.
Après sept ans à l’organiser pour les autres, j’étais heureuse d’y afficher ma papeterie touchante. D’ailleurs, ce jour-là, était fou, j’ai eu tellement de monde à mon stand, tellement de compliments et d’encouragements. C’était parfait pour me redonner confiance.
Enfin, quel message aimerais-tu transmettre à celles et ceux qui rêvent de créer, mais qui doutent ou hésitent à se lancer ? ?
Tout reste possible. À vous d’y croire.
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